Vice-présidente du Haut Conseil de la Famille, de l’Enfance et de l’Âge (HCFEA), Sylviane Giampino en préside le Conseil de l’Enfance et de l’Adolescence. Elle revient pour l’Anacej sur les conditions à réunir pour une participation effective et riche des enfants et des adolescents dans l’élaboration des politiques publiques.
Quelle est la situation de la participation des enfants aux politiques publiques en France ?
Les enfants entre 7 et 9 ans ont spontanément envie de s’impliquer, de donner leur avis. Ils ont les yeux grands ouverts sur les injustices. Il y a chez eux un mouvement vers l’implication dans tout ce qui relève de l’intérêt général. De plus, ils aiment faire des choses avec leurs camarades. Cependant, la France n’est hélas pas à la hauteur dans le domaine de la participation, qui aide pourtant les enfants à grandir comme des acteurs sociaux.
Qu’en est-il de la participation des adolescents ?
Les adolescents sont préoccupés par la puberté, tracassés par les questions de la socialisation. A cet âge, il est plus compliqué de les faire participer car ils se replient sur des attitudes individualistes. Si on cherche leur engagement, il vaut mieux partir de leur regard, de leurs idées et ne pas les faire rentrer dans des projets établis par des adultes. Cette démarche a l’avantage de lutter contre l’isolement des adolescents, de leur offrir une socialisation. Le sentiment d’utilité les aide à se construire. Ils sont fiers à servir à quelque chose. De cette façon, l’énergie adolescente, au lieu se diriger vers le repli sur soi ou la transgression, a plus de chances de s’orientée vers le projet, la construction, l’invention.
Quelles sont les conditions pour une participation effective des enfants aux politiques publiques ?
La participation des enfants à la construction des politiques publiques ne se réduit pas au fait de les réunir au sein d’un conseil. Parfois même, on se sert d’eux, on instrumentalise leur parole pour montrer qu’on la prend en compte. Il y existe malheureusement des consultations factices. Leur résultat est néfaste : les enfants se démobilisent. Pire, ils sont dégoûtés par la participation à la vie politique avant même d’avoir l’âge de voter. C’est très grave. Pour éviter cela, il y a des conditions à remplir. Au sein du Haut Conseil de la Famille, de l’Enfance et de l’Âge (HCFEA), nous avons mis en place une méthode de travail avec les enfants ou les jeunes.
Quel est le bilan de cette méthode ?
Il est bon à ce jour. Du côté des enfants, d’abord. Ils viennent, participent, et s’impliquent. Ils disent qu’ils ont beaucoup appris. Surtout, ils sont étonnés de voir que leurs réflexions, leurs contributions ont été reprises dans les recommandations de nos rapports. Le bilan est positif du côté des membres du haut conseil. Sceptiques au départ pour certains, ils sont surpris de découvrir la pertinence des idées apportées par les enfants. Enfin, du côté des associations de défense des droits de l’enfant, on se félicite de voir que les petits peuvent infléchir des orientations d’un organisme national. L’objectif désormais est de renforcer la participation des enfants à l’élaboration des politiques publiques au sein de l’Assemblée nationale, du Sénat, du Conseil économique, social et environnemental.
Vous affirmez qu’il y a une grande inégalité sociale de la représentation des enfants au sein des conseils. Qu’en est-il ?
En effet, ce sont plutôt les enfants de classes moyennes et élevées, de milieux intellectuels, de parents eux-mêmes engagés, qui participent aux conseils. Tout l’enjeu est d’aller chercher les autres. Il faudrait commencer très tôt, leur proposer d’être acteurs sociaux comme une activité périscolaire de base, au même titre que le sport ou la culture. Les associations d’éducation populaire et de défenses des droits de l’enfant ont un rôle important à jouer. Elles sont la courroie de transmission entre l’appareil politique et les enfants.
Comment entendre la parole des enfants ?
La prise en compte de la parole des enfants est encore embryonnaire dans notre pays. Très peu d’élus connaissent la Convention internationale des droits de l’enfant (la CIDE). D’où l’importance de diffuser le plus possible ce texte, de l’inclure dans leur formation. Il est dans l’intérêt des édiles de former des futurs citoyens concernés, qui s’impliquent dans la vie de la cité. Ce qui est en jeu, c’est le renouvellement de la vie politique et de la représentation démocratique d’une génération à l’autre.
Qu’apporte la participation à la démocratie représentative ?
Elle est favorable au développement des enfants, à leur socialisation, à leur habileté de s’organiser, de s’exprimer, de rédiger. Elle est bénéfique pour leur développement et pour la société qui aura besoin d’adultes qui prennent part à la solidarité, à la protection de l’environnement. Elle est bénéfique pour l’orientation des politiques publiques car les jeunes ont une vision sur l’avenir du monde à moyen et à long terme bien plus clairvoyante que celle des les adultes vieillissants qui, bien souvent, tirent un bilan négatif de l’évolution de la société.
Propos recueillis par Rouja Lazarova pour l'Anacej
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