Faire de Lyon une ville des enfants est un engagement fort du plan de mandat 2022/2026 comme l’a rappelé Tristan Debray, conseiller municipal délégué à la Ville des enfants, en introduction de la Rencontre nationale du réseau le 19 juin. Pour y contribuer, les Conseils d’arrondissement des enfants (CAE) ont été créés, constitués d’élèves de CM1/CM2 élus pour 2 ans, une fille et un garçon par école, au sein d’écoles volontaires de 7 arrondissements.
L’animation de ces conseils a été confiée à plusieurs associations pour expérimenter des approches différentes, trois d’entre elles nous ont partagé leur expérience.
L’expertise d’usage
L’Atelier PopCorn anime le CAE du 3e arrondissement, composé de 18 enfants de 9 écoles participantes. Il s’appuie sur l’expertise d’usage des enfants, l’expérimentation pour aller de l’idée à l’action en apprenant à gérer les contraintes, la rencontre et le débat avec les adultes.
Le CAE se réunit une fois par mois, pour une séance de deux heures et demie le mercredi après-midi, et sur des événements.
En 2023-2024 par exemple, les enfants ont choisi deux projets, l’organisation d’un tournoi sportif et solidaire et la création d’un parcours de découverte de l’arrondissement.
Pour celui-ci, ils ont conçu 4 parcours différents compte tenu de l’étendue de l’arrondissement, avec 36 étapes, présentés dans un livret qu’ils ont conçu, testé et amélioré. Ils ont réalisé les textes, les illustrations et assuré la relecture.
A la fin de chaque séance, les animateur·trice·s réalisent un compte-rendu sous la forme d’un court roman photo et d’un podcast avec 2 enfants qui racontent la séance. Ainsi les enfants peuvent les présenter à leurs camarades d’écoles, mettant en œuvre leur devoir de restitution qui fait partie de cette expérience démocratique.
La démocratie d’interpellation
L’association Les enfants s'organisent anime le CAE du 8e arrondissement depuis 2022 avec une démarche de démocratie d’interpellation. Elle consiste à faire remonter les demandes et à « tirer la manche des élus » comme peuvent le faire des comités d’usagers. 4 étapes sont nécessaires pour une campagne : les enfants écoutent les autres pour déterminer un sujet de campagne, ils enquêtent sur le sujet (ces 2 premières étapes prennent environ 2 mois), ils formulent leurs demandes puis interpellent les responsables qui peuvent y répondre. S’ils n’obtiennent pas de réponse, une action collective est organisée avec pour but d’arriver à la négociation.
Chaque école porte sa campagne, qui peut être un projet dans l’école ou dans le quartier, avec l’accompagnement d’enseignants et d’animateurs périscolaires volontaires. Dans chaque école les enfants participent à une séance par semaine et une séance plénière chaque mois sur l’arrondissement permet aux enfants de partager leurs campagnes.
Cette méthode demande un investissement plus important des adultes, l’association assure leur formation et le lien avec la mairie.
Deux exemples de campagnes sont présentés. Dans une école, les enfants souhaitaient améliorer l’accessibilité, ils ont déterminé qu’il fallait installer un ascenseur et une rampe, ont étudié les solutions techniques. Ils ont obtenu une réunion avec la mairie pour présenter leur projet, ce qui constitue déjà pour eux une satisfaction. L’ascenseur est malheureusement très coûteux et ne sera possible qu’en 2027-2029 soit bien après leur départ de l’école. Mais la rampe sera réalisée en 2025, elle était une idée alternative permettant de gagner cette négociation, deuxième motif de satisfaction.
Dans une autre école, les enfants regrettaient de n’avoir qu’un seul parc dans le quartier, de plus pas adapté à leur âge. Après réflexion et enquête, les enfants contactent le bailleur social qui est propriétaire du parc. Celui-ci les renvoie vers l’association de locataires qui est décisionnaire mais elle ne répond pas à leur sollicitation. Les enfants multiplient alors les courriels en envoyant des photos d’eux·elles tristes pour obtenir une réponse, malheureusement sans effet. Ils·elles se tournent donc vers le maire qui débloque la situation. Une négociation a enfin lieu, aboutissant à l’installation d’une table de pique-nique l’été suivant.
Le pouvoir de décider
L’association Les Robins des villes anime le CAE du 7e arrondissement, avec pour principe de « récupérer du pouvoir à ceux qui l’ont tout le temps pour le redistribuer aux autres. »
Le travail a réellement commencé en milieu d’année scolaire 2022-2023, aussi il a été choisi de partir de différentes thématiques déjà travaillées par la mairie (alimentation, sport, écoles…) et de voir ce qui intéressait les enfants pour prioriser des projets qui puissent être à la fois courts et qualitatifs.
Les enfants ont choisi 4 thématiques avec un plan de mandat sur 1 an et demi et ont commencé par le sujet du harcèlement scolaire dans les écoles. Ils ont développé leur maîtrise du sujet et organisé une formation ouverte à tous les enfants des écoles pour leur apprendre à identifier les situations de harcèlement et les réponses à apporter. Ils ont organisé un concert de levée de fond pour l’association Enfance et partage et une projection de courts métrages réalisés par des enfants avec des petits débats. Pour cet événement, les animateur·trice·s ont étudié un partenariat avec un cinéma local mais les enfants ont préféré sans hésitation une projection en mairie, dans un cadre moins qualitatif mais qui permettait d’accueillir plus de public.
Sur l’année scolaire 2023-2024, 3 commissions ont travaillé sur les autres thématiques : l’intergénérationnel, la nature en ville et l’accès au sport pour toutes et tous. En début d’année, les animateur·trice·s ont interrogé les enfants sur leurs attentes, ils ont choisi de réaliser des projets concrets et d’aller à la rencontre des habitants.
Sur les 3 thématiques ils ont commencé par une phase de diagnostic en étudiant des documents existants, en faisant des interviews d’experts (élus ou agents de la mairie d’arrondissement) et en allant à la rencontre des habitants. Ces rencontres ne sont pas toujours faciles, comme pour des adultes, mais elles sont gratifiantes quand on s’intéresse à eux. Les enfants ne se découragent pas, même un jour de neige où ils préfèrent rester dehors alors que les animateur·trice·s leur proposaient de se mettre plutôt à l’abri dans le hall de la mairie.
Sur l’intergénérationnel, ils ont organisé un karaoké avec une résidence autonomie, puis ils ont construit un jeu des 6 familles avec l’enfant du passé, du présent et du futur. Ils l’ont testé avec le reste du conseil et réalisé qu’il fallait faire des ajustements. Sur l’accès au sport, ils ont identifié les différents axes (accès financiers, égalité filles garçons, personnes handicapées…) mais ont eu du mal à prioriser l’un d’entre eux. Ils ont donc choisi d’interpeler les adultes élus du conseil d’arrondissement pour savoir ce qui était fait et dialoguer avec eux sur le sujet.
Du point de vu méthodologique, la priorité est donnée à une réelle participation des enfants, même si des séances de 2 heures par mois sont limitées. Les équipes éducatives sont le moins possible sollicitées. Les travaux à faire à la maison par les enfants sont réduits car tous ne bénéficient pas des mêmes conditions, ce qui renforce les inégalités.
A la fin de chaque séance, les enfants notent les choses principales apprises, ils enregistrent un compte-rendu audio de quelques minutes, un compte-rendu plus exhaustif est fait par les animateurs·trice·s en complément.
Les 3 associations soulignent l’intérêt de travailler sur une longue période, 2 ans, nécessaire pour que les enfants apprennent à se connaître et à travailler ensemble. En effet même si leurs approches sont différentes, elles œuvrent toutes les trois à une émancipation collective.
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