Mise à jour le 24 janvier 2020
C'EST QUOI ?
On se souvient que, lors de la présentation de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, le 13 septembre 2018, le président de la République avait annoncé la mise en place d’un revenu universel d’activité pour 2020 (voir note de veille n°86). «En fusionnant le plus grand nombre des prestations sociales, du RSA aux APL, nous pourrons enfin garantir un socle minimal de dignité à tous ceux qui doivent en bénéficier, en apportant, enfin, une réponse à la hauteur du non recours aux droits » expliquait-il alors. Cette idée de fusionner les aides sociales n’est pas nouvelle mais revêt de nombreuses difficultés à surmonter. Quelles aides fusionner ? Comment harmoniser les actuels critères de ressources pour l’attribution des minima sociaux ? Comment prendre en compte les moins de 25 ans ? Comment prendre en compte les ressources ? Pour mener « cette réforme ambitieuse », le chef de l’État a souhaité se donner du temps, « le temps de l'analyse, de la concertation ». Deux espaces de concertation ont ainsi été imaginés, l’un, « institutionnel » et l’autre, ouvert aux citoyens. Depuis début juin, c’est le comité national du Revenu Universel d’Activité, créé pour l’occasion, qui chapote la concertation institutionnelle. Les travaux qui en découlent sont conduits dans le cadre de trois collèges (associations, partenaires sociaux et des territoires). Sont associés également trois sous-collèges dont un sous-collège « jeunes » ainsi que deux autres groupes, des experts et des parlementaires.
Quant à la concertation citoyenne, elle a commencé en septembre. Elle prend plusieurs formes : une consultation en ligne, des concertations dans les territoires, des focus groups et un jury citoyen. La consultation en ligne, démarrée début octobre, s’est achevée fin novembre. Sur le site dédié consultation-rua.gouv.fr 75.000 personnes ont participé et 10.000 contributions y ont été enregistrées. Trois questions étaient posées : pourquoi, pour qui et comment ? Selon le ministère des Solidarités et de la Santé, « 70 % des votants ont approuvé la proposition de « regrouper et harmoniser un maximum d’aides sociales », de l’ouvrir « aux jeunes adultes ». Intégrer le minimum vieillesse est souhaité par 78 % des votants alors que l’intégration de l’allocation aux adultes handicapés est rejetée à 52 %. Quant au « comment », les participants sont plutôt favorables à la prise en compte de l’ensemble des revenus du foyer pour le calcul de la prestation (49 % contre 40 %). On notera, par ailleurs, une participation large des 25- 34 ans et majoritairement féminine. Un bilan d’ensemble sera rendu d’ici la fin d’année et transmis aux acteurs de la concertation institutionnelle. Quant aux six ateliers de concertation qui se sont déroulés dans les territoires jusqu’en décembre, en réunissant une centaine de personnes à chaque fois, ils permettront également d’alimenter la réflexion. Enfin, début février, c’est le jury citoyen, composé d’une quinzaine de personnes, qui clôturera toute la phase de concertation lancée en juin.
Pour aller plus loin, on s’intéressera à un rapport publié en novembre par le ministère des Affaires sociales et de la Santé. Il rappelle les enjeux et défis du revenu universel d’activité. La prise en compte des 18-24 ans dans tous ses enjeux est à lire en priorité. Si l’on s’achemine vers une prestation dite à tiroirs avec un socle de base, les 18-25 ans pourraient en bénéficier. On se rappelle que, sur les 5,5 millions de jeunes de 18 à 24 ans, près d’un jeune sur quatre vit sous le seuil de pauvreté. Ainsi plusieurs scénarios sont envisagés, selon que le jeune fait des études ou non, il aurait ou pas un supplément étudiant ; selon qu’il vit ou non avec ses parents, il aurait ou pas un supplément logement. A suivre donc. Les arbitrages seront connus début de l’année prochaine avec un projet de loi au cours de l’année 2020 pour une mise en place effective du revenu universel d’activité en 2022 voire 2023.
Le 20 janvier, le bilan de la concertation citoyenne a été rendu public par le gouvernement. Il fait une synthèse des contributions des citoyens déposées en ligne ou produites lors des ateliers organisées dans six territoires (Bordeaux, Roubaix, Saint-Etienne, Besançon, Chartres et Avignon) lesquels ont rassemblé 500 personnes. Les résultats montrent que les Français trouvent le système actuel peu lisible et incapable d’assurer une vie digne. Ils sont d’accord à 64% avec le principe de fusionner des prestations. S’il est peu lisible, il a toutefois selon eux, un atout de taille, celui d’être un filet de sécurité lorsque l’on est confronté à des difficultés. Sur la question des publics ciblés, 73% souhaitent intégrer les jeunes au Revenu universel d’activité et 75% les personnes âgées. Quant au volet « activation » du RUA, 78% des contributeurs souhaitent que « la reprise d’une activité soit toujours couplée d’une augmentation des ressources ». Concernant le mode de calcul de la nouvelle prestation, il « devra être calculé sur la même base de ressource (78%), selon les revenus les plus récents (74%) et devra prendre en compte le fait d’avoir des enfants à charge (70%)». L’accompagnement du bénéficiaire professionnel et/ou social est jugé « primordial » pour 71% des contributeurs. Enfin, concernant le non-recours, ils souhaitent à 81% que le nouveau système permette de détecter les personnes éligibles.
Dans son communiqué relatif aux résultats, Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des Solidarités et de la Santé, a par ailleurs rappelé que « l’intégration des personnes en situation de handicap fait l’objet d’un débat auquel le Gouvernement est particulièrement attentif ». On se rappelle, en effet, que de nombreuses paroles se sont élevées comme celle de Pascale Ribes, administratrice d’APF France handicap, en expliquant que « l’AAH [allocation aux adultes handicapés NDLR] n’est pas un minima social comme les autres, il ne doit pas y avoir d’exigence de contrepartie ». D’autres voix font part de leurs inquiétudes, au premier rang desquelles les Départements qui s’interrogent sur les conséquences de la réforme. On peut espérer que la concertation dite institutionnelle, qui doit se poursuivre jusqu’à mai, apportera les réponses.
Où en sommes-nous ?
Le 22 janvier, Florent Gueguen, directeur général de la Fédération des acteurs de la solidarité, estime que « pour que les citoyens puissent se prononcer de manière éclairée, il aurait fallu leur donner tous les enjeux, les modes de calcul des différentes aides, leur dire qui seront les gagnants et les perdants dans tel et tel scénario ». « Après six mois de concertation nous n’avons encore aucune donnée budgétaire, c’est problématique, on risque de nous présenter le budget à la fin quand tout sera déjà décidé ». https://bit.ly/38AZwYG
le 22 janvier, Stéphane Troussel, président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis, déclare que les départements en tant que « chefs de file de l’action sociale, ils sont bien sûr au cœur de la réforme, surtout ceux qui concentrent les difficultés sociales ». Il regrette que « les questions de gouvernance et de financement » n’aient pas encore été abordées. Enfin, il rappelle que pour le RSA, « faute de compensation suffisante par l’État, les budgets dédiés au volet insertion n’ont cessé de diminuer, et que sur les 11 milliards dépensés par les départements pour le RSA, seulement la moitié du montant est compensée ». https://bit.ly/38AZwYG
Et l'Anacej ?
Dans le cadre de sa représentation au sein du Conseil d'orientation des politiques de jeunesse (COJ), elle a contribué à un avis « Le Revenu Universel d’Activité - Pour l’ouverture dès 18 ans ». https://bit.ly/2PAGOKm
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