Mise à jour le 21 octobre 2019
C'EST QUOI ?
Lundi 14 octobre, le secrétaire d'État en charge de la Protection de l'enfance, Adrien Taquet, a présenté sa stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance, « fondée sur un nouveau partenariat avec les départements ». Après des mois de concertation qui ont eu du mal à démarrer, le report du plan prévu pour l’été, la nouvelle stratégie était donc très attendue. Elle s’inscrit en lien avec le Plan de lutte contre la pauvreté annoncé en 2017 par le chef de l’État, le tout nouveau « Parcours 1.000 jours » piloté par Boris Cyrulnik ou encore la Trajectoire 5.0 Outre-mer d’Annick Girardin. Elle s’inspire également des préconisations issues des rapports parlementaires comme le Rapport Bourguignon. On aura compris que certaines mesures ne sont pas nouvelles mais tirées directement d’autres plans. Pas facile de s’y retrouver ! En tout cas, Adrien Taquet a présenté un ensemble de mesures budgétées. Il s’agit d’un plan sur trois ans avec un budget de 80 millions pour 2020, (50 millions dans le PLF et 30 millions dans le PLFSS), soit 1 % de ce que dépensent les départements chaque année pour la protection de l’enfance. Le secrétaire d’État a d’ailleurs rappelé que « c'est d'abord une responsabilité des départements, bien sûr, qui sont localement les chefs de file de ces politiques de prévention et de protection » mais, « c'est aussi celle de l'État, qui ne doit et ne peut pas se défausser » a-t-il ajouté. Pour faire le lien avec le plan de lutte contre la pauvreté, il a souligné combien la méthode contractuelle alors initiée entre l’État et les collectivités permet « de s'accorder de manière pragmatique sur des priorités communes pour améliorer ensemble la qualité du service que nous rendons à nos enfants ».
Au cœur de la nouvelle stratégie, un ensemble de mesures déclinées autour de quatre engagements :
*Agir le plus précocement possible pour répondre aux besoins des enfants et des familles :
- rendre obligatoire l’entretien prénatal précoce (30 % des femmes aujourd’hui)
- réaliser 100 % des bilans de santé en maternelle des enfants de 3-4 ans
- doubler le nombre de visites à domicile pré et postnatales et renforcer les consultations infantiles pour les 0-6 ans
- soutenir les actions innovantes centrées sur la santé du jeune enfant en PMI
- soutenir le relayage auprès des parents en situation de vulnérabilité
- renforcer les cellules de recueil et d’informations préoccupantes, notamment sur la base du référentiel de la Haute Autorité de Santé (HAS)
*Sécuriser les parcours des enfants protégés et prévenir les ruptures :
- systématiser le bilan complet de santé des enfants et des adolescents à leur entrée dans les dispositifs de protection et leur accès à un parcours de soins coordonnés
- créer des dispositifs d’intervention adaptés aux problématiques croisées de protection de l’enfance et de handicap
- créer un référentiel national de contrôle des lieux d’accueil de protection de l’enfance
- adapter le régime des autorisations et des relations entre les départements et les associations autorisées et définir des normes d’encadrement adaptées dans les lieux d’accueil
- soutenir la diversification des dispositifs d’accompagnement aux besoins des enfants en permettant aux services et établissements d’innover
- développer les centres parentaux et travailler sur les compétences parentales en protection de l’enfance
- systématiser les mesures d’accompagnement au retour à domicile en fin de placement
- moderniser et soutenir les conditions de travail et d’exercice des assistants familiaux et des lieux de vie et d’accueil
- mobiliser la société civile autour de l’enfance protégée notamment sur le parrainage, le soutien scolaire ou l’accès à la culture, aux sports et aux loisirs
- sécuriser et faciliter l’adoption
*Donner aux enfants les moyens d’agir et garantir leurs droits
- élaborer une charte des droits des enfants protégés
- faire en sorte que les enfants et anciens enfants accompagnés participent à l’ensemble des temps et des instances d’élaboration et de décision
- mettre en place un album de vie pour chaque enfant accompagné et garantir à chaque enfant puis adulte l’accès à son histoire
- garantir l’accès à la scolarité et un accompagnement scolaire adapté pour les enfants accompagnés
- rendre le quotidien des enfants protégés plus facile en simplifiant les notions d’actes usuels et non usuels
- renforcer les garanties procédurales devant le juge des enfants : permettre un jugement en collégialité en assistance éducative
*Préparer leur avenir et sécuriser leur vie d’adulte :
- mobiliser l’ensemble des outils et dispositifs pour faire de l’accès au logement et de l’accès aux droits des jeunes sortants une priorité
- garantir un accès prioritaire des jeunes sortants de l’ASE aux bourses et au logement étudiant et leur favoriser l’accès aux études supérieures
- faciliter l’intégration sociale et professionnelle des anciens mineurs non accompagnés lorsqu’ils atteignent l’âge de 18 ans.
Enfin, pour suivre la mise en œuvre des mesures ont été mis en place deux comités de suivi : le premier regroupant les ministères concernés et un second, « élargi », associant les départements, des parlementaires, des magistrats, des représentants des enfants et des jeunes, des représentants des associations et des établissements publics, ainsi que des représentants des professionnels de l'enfance.
C’est en début d’année 2020 que les premiers contrats, entre l’État et les départements devraient être signés.
Pacte pour l’enfance - Stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance 2020-2022 nouveau
OU EN SOMMES-NOUS ?
le 14 octobre, Michèle Créoff, vice-présidente du Conseil national de la protection de l’enfance, juge que « c’est hallucinant comme la méthodologie et la mobilisation de l’outil étatique sont dérisoires au regard de l’enjeu ». Elle demande « pourquoi ne pas avoir choisi de rendre obligatoire le référentiel d’évaluation des informations préoccupantes, déjà appliqué avec succès par 44 départements aujourd’hui ? » https://bit.ly/31klgEs
14 octobre, Stéphan Troussel, Président du Département de Seine-Saint-Denis et participant à la concertation, note qu’« il y a de bonnes intentions, une volonté manifeste de bien faire, mais le gouvernement reste au milieu du gué (…) On est loin d'une grande cause nationale ». Il regrette également l’absence de réelles mesures concernant les MNA : « Nous avions fait beaucoup de propositions sur le sujet. Le plan du gouvernement contient quelques engagements, mais pas de véritables garanties sur leur régularisation administrative, par exemple. A quoi bon, dans ce cas, investir sur leur accompagnement pendant des années ? ». https://bit.ly/2Mnpua5
le 14 octobre, Laurence Rossignol, ancienne ministre des Familles et de l’Enfance, note des avancées qui ne sont pas « conquérantes » mais qui ont le mérite d’avoir « été actées ». Elle salue, « la volonté de faire de M. Taquet ». « Mais ce que je vois, c’est qu’il a perdu ses arbitrages face à son propre gouvernement ». https://bit.ly/32nFcaL
le 14 octobre, Lyes Louffok, ancien enfant placé, attendait « une politique nationale de protection de l’enfance, on a une série d’intentions, très peu de mesures opérationnelles et des oublis scandaleux ». « Cette stratégie est une vraie déception pour les enfants placés. » C’est bien beau de prôner que la stratégie est le fruit de plusieurs mois de collaboration entre les professionnels et le gouvernement. Mais c’est complètement faux. Adrien Taquet n’a rien conservé des mesures ambitieuses ». https://bit.ly/2IX2212
le 14 octobre, la Cnape (fédération des associations de protection de l’enfant) « salue la volonté opérationnelle de la stratégie ». Selon elle, « les mesures s’accordent, pour la plupart, avec les positions défendues par la fédération. » https://bit.ly/2IX2212
le 14 octobre, la fondation Action enfance loue « une stratégie délimitée dans le temps, avec des axes concrets, mesurables et des moyens alloués par l’État ». https://bit.ly/2IX2212
le 14 octobre, l’Uniopss souligne le « caractère incantatoire de certaines mesures » et s’interroge : « Quand près de 20 % des départements n’ont toujours pas mis en place le projet pour l’enfant (obligation légale), la généralisation de l’album de vie apparaît en décalage avec les réalités de terrain ». https://bit.ly/2IX2212
le 14 octobre, Léo Mathey, président de l’association Repairs 75 !, se dit déçu : «Nous avons cru qu’Adrien Taquet bousculerait les choses. Finalement, la réforme est hyper consensuelle. C’est triste et un peu pathétique. Nous ressentons beaucoup d’amertume ». https://bit.ly/32nFcaL
le 14 octobre, Antoine Dulin, vice-président du CESE estime que: « ce n’est pas le grand soir de la protection de l’enfance. Est-ce que ces mesures répondent à l’urgence d’agir ? La réponse est non ». https://bit.ly/32nFcaL
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